Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.» Serait-il un jour possible de faire mentir Jean de la Fontaine et que, malade de la peste ou de tout autre chose, chacun ait le droit d'exister et de s'épanouir à son gré ?
François Plumasseau, dit La Plume, est un handicapé. Un autiste de 30 ans qui se lie d'une solide amitié avec Brigitte, une prostituée de 20 ans son aînée. Si ces deux exclus n'ont pas leur place paraître fait la différence, ils vont, au fil de l'histoire, échapper à leur sombre quotidien et se construire enfin une existence digne de ce nom dans l'univers du cirque. De l'autre côté du rideau, derrière le chapiteau, dans les endroits où le spectateur ne viendra jamais applaudir, vivent des hommes et des femmes avec qui tout est possible.
Extrait du livre :
Puis, ils se sont écartés du quartier des maisons médiévales et ont marché longtemps en direction de la route de Vierzon. Malgré leurs pieds abîmés par les kilomètres parcourus la veille, ils ont imprimé une cadence soutenue. Lorsque Brigitte a aperçu le premier panneau publicitaire, elle a senti que son cœur s’emballait. Le cirque s’installait bien les quinze premiers jours de février sur la partie est de la ville. La moindre affiche l’avait bouleversée. Quand ils eurent passé la zone commerciale, ils découvrirent derrière les bâtiments aux enseignes notoires, l’immense chapiteau. Cette fois, tandis que La Plume observait les reflets que faisaient les tâches de gasoil sur le bitume, Brigitte ne put retenir ses larmes. La folle échappée avait un but. Il était là, maintenant. A moins de deux cents mètres. Plus ils s’approchaient, plus Brigitte retrouvait les sensations de cette fameuse journée où une jeune adolescente sensible avait manqué de peu la découverte magique d’un monde inconnu.
A l’instant où ils foulèrent l’esplanade, l’esprit de Brigitte se troubla totalement. Elle n’avait plus cinquante-quatre ans, ignorait tout d’un futur chaotique et n’imaginait pas une seconde que ses parents puissent l’empêcher d’assister au spectacle. L’histoire était à réécrire. Les éléments étaient cette fois du bon côté ! Peu importe les années, peu importe la ville. Le cirque était atemporel. La fascination, apatride. Que ça se joue dans la Beauce, en Touraine ou ailleurs, cela n’avait aucune importance. C’était un univers, une sphère à l’écart d’un réalisme ordinaire.
-On est arrivé ma Plume ! On y est ! avait-elle répété à un François qui, pour sa part, ne se concentrait pas vraiment sur l’évènement.
Une pléthore de véhicules aux couleurs identiques délimitait le monde circassien du reste de la société. Une maigre poignée de badauds curieux déambulait autour de l’enceinte. Brigitte s’était approchée de la caisse.
-Pourquoi personne n’est encore là ?
-Parce que la prochaine séance n’est qu’à 14 h 30, soit dans plus de deux heures, Madame !
-Et on peut prendre les billets maintenant ?
-Je suis là pour ça.
-C’est combien ?
-A votre choix. Loge ? Orchestre ? Première ?
-Le plus près possible !
-Alors, c’est loge.
-C’est ça ! Je voudrais deux loges alors !
Brigitte fondait et c’en était émouvant. On lui aurait proposé deux coussins sur la banquette de bois qui délimite la circonférence de la piste pour deux cents euros la place, elle n’aurait pas hésité un instant.
Notes perso :
J’ai évidemment une tendresse particulière pour ce roman et pas uniquement parce qu’il m’a apporté mon premier Prix Littéraire. Le monde du cirque me fascine, les personnages en marge de la société également. J’ai inventé cette histoire avec délectation. Contrairement à mes premiers ouvrages, il est très difficile de me reconnaitre dans l’un ou l’autre de mes personnages. Mais pourtant si vous pouviez savoir à quel point je suis à la fois, la Plume, Raymond ou Brigitte…