J’ai depuis très longtemps un amour pour le monde du cirque. Sûrement parce qu’il est un parallèle évident avec celui de l’enfance. Qui ne s’est pas émerveillé, en voyant débarquer un jour sur la place du village les camions jaunes et rouges, en entendant les types en débardeur taper avec leurs masses sur les pinces pour dresser le chapiteau ou en admirant les éléphants déambuler dans les rues étroites au milieu de la circulation ?
J’avais écrit une chanson en 1990 qui s’appelait Djova Circus, puis 15 ans plus tard, avec le groupe La Brinche, j’ai réitéré sur le même thème avec La Trapéziste. C’est cette dernière qui est à l’origine de mon projet. L’histoire de ma fredaine raconte la passion d’un « idiot du village » pour le cirque et, malgré les rires, les qu’en-dira-t-on et le regard oblique des bien-pensants, il s’offre la plus belle place pour profiter au mieux du spectacle. « Un pauv’type, minable, tout sagouin, pourquoi qu’ça peut pas se faire plaisir à aimer tout comme son prochain, des trucs qui font que l’cœur chavire ? ». Puis, arrive le numéro de la trapéziste. Alors, notre homme rêve d’une impossible connivence et d’un amour bien plus haut que ne peuvent l’imaginer ceux qui le jugent.
C’est donc sur cette base que mon projet voit le jour. François Plumasseau dit La Plume, n’est pas vraiment l’idiot du village. C’est un handicapé. Un autiste de 30 ans en marge de la société qui se lie d’une solide amitié avec Brigitte, une prostitué de 20 ans son aînée. Ces deux exclus qui n’ont pas leur place dans le monde d’aujourd’hui vont, au fil de l’histoire, échapper à leur sombre existence grâce au monde du cirque.
Comme je l’ai fait pour mes deux romans précédents, j’ai besoin avant d’écrire de m’infiltrer dans les milieux que je vais raconter. D’abord j'ai rencontré une éducatrice spécialisée sur l’autisme qui m'a initié à l’univers de ce handicap et m’en a explique toute sa complexité. Pendant de longues semaines, j’ai côtoyé ces enfants en me servant de ma guitare comme unique moyen de communication avec eux. J’ai également la chance d’avoir rencontré le directeur d’un célèbre cirque, qui a eu la gentillesse de m’ouvrir les portes et les coulisses de son univers.
Pour faire exister la Plume, l’emmener au bout de l’aventure, l’accompagner et le suivre vers sa piste étoilée, il m’a fallu vivre les situations avec un réalisme soutenu. Pour atteindre mon but, j’ai du rencontrer, comprendre et aimer les personnages que j’inventais. Pour cela, j’ai côtoyé ceux qui vivent dans mes décors, ceux pour qui ma romance est un quotidien. Je ne me donne pas le droit de voler l’existence des autres ; Je dois attendre qu’ils aient envie de me l’offrir.
David Ramolet